Ma question à Madame RAMIS, directrice des Amériques et des Caraïbes au Ministère de l'Europe et des Affaires Etrangères
Le 15 février 2023
Mireille Clapot:
Merci Monsieur le Président,
Madame l’Ambassadrice, Madame la directrice,
Je voulais vous interroger sur les femmes et sur la diplomatie féministe, qui est un sujet qui m’a beaucoup occupée pendant mon premier mandat.
L’Amérique latine est un continent où les femmes et les mouvements féministes font l’actualité et la politique depuis 2015 avec le mouvement d’abord argentin, puis transnational, « Ni Una Menos » ou encore les femmes qui ont participé au processus de paix en Colombie. Il y a un lien fort entre la participation des femmes en politique - à l’échelle locale, nationale, individuelle et collective – et la sauvegarde des cultures autochtones. En Colombie par exemple, avec la nouvelle vice-présidente Francia Marquez, activiste afro-américaine, féministe, écologiste.
Comment définiriez-vous ces évolutions et si elles permettent d’avoir, dans le cadre de la diplomatie féministe, une action de la France ?
Michèle Ramis (directrice des Amériques et des Caraïbes au Ministère de l'Europe et des Affaires Etrangères):
Vous ne pouviez pas me poser de meilleure question parce que je travaille justement à un projet de rencontre avec ces pays.
La France a décrété une diplomatie féministe en 2019. Dans le monde, il y a une dizaine de diplomaties féministes dont le Mexique mais, ce que l’on voit, c’est qu’il y a énormément de pays qui veulent s’en doter comme le Chili, la Colombie, l’Argentine et peut-être même le Brésil. Pour nous, c’est un terrain de progression des droits des femmes mais c’est un paradoxe. D’une part, on voit un taux de violence contre les femmes et de féminicide très élevés car ces sociétés sont culturellement, structurellement violentes et machistes, mais on voit aussi énormément d’évolutions positives avec la dépénalisation de l’avortement dans de nombreux pays, que ce soit la Colombie ou l’Argentine bien sûr. Dans d’autres pays, cela n’est pas passé comme au Chili avec la nouvelle Constitution qui n’a pas été votée.
On assiste à beaucoup d’évolutions sociétales qui mettent en évidence les régressions au Nord. Quand vous voyez que la Cour Suprême des Etats-Unis est revenue sur la jurisprudence qui protégeait de manière fédérale l’avortement, on se dit qu’il y a des régressions au Nord et des évolutions positives au Sud. L’Amérique latine est très en avance sur ce sujet et, pour nous, il y a de potentiels alliés, vous savez que nous avons coprésidé avec le Mexique le forum génération-égalité en 2021. On sent qu’il y a des alliés dans ces pays et, en tant que haute fonctionnaire à l’égalité, j’organiserai prochainement avec ces pays des échanges sur la diplomatie féministe pour réfléchir et apprendre mutuellement afin d'aller plus loin dans la lutte contre ces fléaux.
En matière de droits des femmes, les choses ne sont jamais figées, l’on peut assister à des progressions ou des retours en arrière. Sous la présidence Bolsonaro, on a assisté à un recul de la protection des droits des femmes; fermeture de foyers ou encore fermeture de l’assistance aux femmes victimes de violences conjugales. Chaque fois que je me déplace dans ces pays, j’ai toujours un moment de rencontre avec des femmes. La ministre Catherine Colonna a rencontré la directrice d’un centre pour femmes faisant l’objet d’abus sexuels et qui a d’ailleurs obtenu le prix franco-allemand des droits de l’Homme. Dans toutes nos actions diplomatiques, il y a désormais une dimension femme et chaque fois que je vais à l’étranger, j’ai une action pour la diplomatie féministe et contre les discriminations.
L’Amérique latine est un terrain où nous avons beaucoup à faire, on est très attendu et écouté. Il y a vraiment des choses à faire ensemble, des alliances à construire ensemble.