Tribune : « Une loi européenne contre les auteurs de violations des droits de l’homme »
Parfois, un nom vaut tous les discours. Celui de Sergueï Magnitsky restera l’un des symboles forts de la lutte contre les atteintes aux droits de l’homme au XXIe siècle. D’abord parce que son sacrifice a trouvé un écho auprès de toutes les victimes de violations des droits de l’homme partout dans le monde. Ensuite parce que des lois introduisant de lourdes sanctions pour les auteurs de crimes violant les droits de l’homme portent son nom, partout dans le monde.
Sergueï Magnitski est un avocat russe qui a sacrifié sa vie à 37 ans pour avoir dénoncé le système de corruption à l’œuvre dans le régime de Vladimir Poutine. La façon dont le gouvernement russe a tenté de dissimuler son meurtre et de disculper les personnes impliquées a suffi à faire de cet homme un symbole du combat pour les droits de l’homme. Et le martyr de Magnitsky a dépassé les frontières russes, pour interpeller les citoyens partout dans le monde.
Les « lois Magnitsky », qui imposent des sanctions sur la délivrance de visas et le gel des avoirs d’auteurs de violations des droits de l’homme, sont devenues emblématiques de la lutte contre l’impunité et la kleptocratie. Au XXIe siècle, beaucoup d’atteintes aux droits de l’homme sont en effet motivées par l’appât du gain ; cibler l’argent de leurs auteurs à l’étranger ainsi que leurs déplacements sont donc des armes efficaces dans cette bataille. Les crimes ne peuvent pas rester impunis, qu’ils s’agissent de ceux commis par les généraux qui pourchassent les Rohingyas au Myanmar, les trafiquants d’armes qui brisent l’embargo contre le Soudan du Sud, les violeurs en République centrafricaine ou les assassins du journaliste saoudien Jamal Khashoggi.
C’est pour cela que l’idée d’une « loi Magnitsky », originellement liée à un crime commis en Russie, revêt aujourd’hui une portée mondiale. Six Etats ont à ce jour adopté des lois Magnitsky : les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie. Dans chacun de ces pays, ces dispositions ont d’ores et déjà permis d’engager des actions contre les auteurs de crimes violant les droits de l’homme en Arabie saoudite, au Soudan du Sud, au Myanmar et dans beaucoup d’autres régions.
A notre tour de franchir le pas. Nous devons adopter une loi Magnitsky à l’échelle européenne. Durant l’été, le gouvernement néerlandais a formulé une proposition concrète, qui est actuellement examinée par tous les États membres de l’Union européenne. Ce projet est exactement ce dont nous avons besoin, par la possibilité qu’il ouvre d’appliquer des sanctions internationales. Mais le gouvernement néerlandais ne lui a pas donné le nom de Magnitsky. Il fait en effet valoir que ce nom pourrait compliquer son adoption dans l’Union compte tenu des liens que certains États membres entretiennent avec la Russie. Nous pensons que les partenaires européens sont plus forts que cela et qu’ils ne bloqueront pas un projet de législation portant sur des questions aussi fondamentales simplement à cause de son nom, mais l’adopteront au contraire parce qu’ils sont des supporters des droits de l’homme et de leur dimension universelle. Quelle que soit l’issue des négociations, nous l’appellerons toujours la loi Magnitsky...
Les ministres européens des Affaires étrangères se réuniront le lundi 10 décembre pour discuter de la proposition néerlandaise. C’est pourquoi des députés et des législateurs de 18 États membres de l’Union européenne exhortent nos gouvernements à renforcer la position de l’Union en tant que défenseur de premier ordre des droits de l’homme et du droit international. Nous appelons nos gouvernements à voter pour une loi Magnitsky européenne. Nous leur demandons de rendre hommage au nom de Magnitsky dans cette lutte contre l’impunité partout dans le monde. Le symbole ne pourrait être plus fort en cette Journée internationale des droits de l’homme et avec le 70e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Sjoerd Sjoerdsma (MP Pays-Bas), Michael Aastrup-Jensen (Danemark), Boriana Aberg (Suède), Ian Austin (Royaume-Uni), Petras Auštrevičius (Lithuanie), Fernando Maura Barandiarán (Espagne), Jānis Bordāns (Lettonie), Tom Brake (Royaume-Uni), Chris Bryant (Royaume-Uni), Mireille Clapot (France), Cristian Dan Preda (Roumanie), Esther de Lange (Pays-Bas), Mark Demesmaeker (Belgique), Anna Fotyga (Pologne), Cristian Ghinea (Roumanie), Ana Gomes (Portugal), Helen Goodman (Royaume-Uni), Rebecca Harms (Allemagne), Margaret Hodge (Royaume-Uni), Gunnar Hokmark (Suède), Eva Joly (France), Sandra Kalniete (Lettonie), Tunne Kelam (Estonie), Stephen Kinnock (Royaume-Uni), Dr. Stephanie Krisper (Autriche), Eerik-Niiles Kross (Estonie), Catherine Murphy (Irlande), Delphine O (France), Pieter Omtzigt (Pays-Bas), Lilianne Ploumen (Pays-Bas), Adrian Prisnel (Roumanie), Senator Roberto Rampi (Italie), Dr. Norbert Röttgen (Allemagne), Bob Seely (Royaume-Uni), Manuel Sarrazin (Allemagne), Petri Sarvamaa (Finlande), Marietje Schaake (Pays-Bas), Charles Tannock (Royaume-Uni), Indrek Tarand (Estonie), Bram van Ojik (Pays-Bas), Guy Verhofstadt (Belgique), Joël Voordewind (Pays-Bas), Manfred Weber (Allemagne), Emanuelis Zingeris (Lithuanie).