Tribune: Abstention, « Face à cette crise de confiance, les remèdes existent »
Les élus et responsables du mouvement « En commun ! », courant de gauche de la majorité présidentielle, appellent, dans une tribune au journal le « Monde », à répondre à l’abstention par la justice sociale, l’écologie, un service public « fort » et « présent partout sur nos territoires », et l’invention de « formes originales de démocratie du quotidien ».
Retrouvez notre tribune ci-dessous :
Riche d’enseignements, le chapitre des élections régionales et départementales s’est refermé. Ne faisons pas comme si de rien n’était. Quand deux Français sur trois ne participent pas à un scrutin qui impactera directement leur quotidien, il faut y voir davantage qu’un simple désintérêt exacerbé par le déconfinement. C’est un désaveu pour l’ensemble de la classe politique et un acte de défiance à laquelle l’évolution des modalités de vote, si elle est nécessaire, ne saura répondre à elle seule. Notre « démocratie civique » traditionnelle, qui se construit dans le débat d’idées en campagne électorale et culmine dans le rituel républicain du vote, est malade.
Et l’abstention n’en est qu’un des symptômes. Climat politique délétère, agressions d’élus et de dépositaires de l’autorité publique, invectives incontrôlées sur les réseaux sociaux… La violence imbibe le débat public.
La démocratie est fragile. Ce n’est ni une rente, ni un privilège, ni même un droit acquis. Rares sont les régimes démocratiques qui disparaissent soudainement. Le risque est plus insidieux… Les démocraties se fissurent, on détourne la tête ou on s’en accommode. Alors elles s’effacent, convulsent puis s’éteignent à petit feu.
Dans ce crépuscule, la tentation est forte de vouloir hystériser le débat et d’asséner des mots comme « identité », « écologie », « solidarité », « inclusion », « progrès », « république », que chacun agite sans jamais prendre la peine d’en définir ni le sens ni les déclinaisons concrètes.
Apporter des réponses concrètes
Face à cette crise de confiance, les remèdes existent. Mais aucun dirigeant, seul, aucune formation politique, seule, ne saurait sauver la démocratie. Pour retrouver confiance et pour participer, les Français, et c’est bien légitime, attendent qu’on leur apporte des réponses concrètes. Notre responsabilité collective, notre devoir à tous – élus, médias et citoyens – est donc de redonner du sens au débat politique et à la confrontation respectueuse des idées, projet contre projet, programme contre programme.
A cet égard, l’illusion de la disparition des identités politiques est un risque majeur. Rien n’est plus dangereux que d’imaginer que tout se vaut. Que les projets sont les mêmes. Qu’il n’y aurait plus de choix mais des parts de marché. Qu’il n’y aurait qu’à arbitrer entre extrémisme et pragmatisme. Faire barrage – à qui que ce soit, d’ailleurs – ne sera jamais un projet politique.
Alors ne nions pas les divergences ni les différences. La diversité est une richesse. Elle nourrit les dynamiques de rassemblement.
En cela, le résultat des élections régionales et départementales, bien que décevant pour la majorité présidentielle, donne pour notre démocratie un motif d’espoir. Considérée par beaucoup comme inéluctable, la poussée de l’extrême droite a été contenue. Et les formations politiques, tout comme les clivages et les valeurs qui les sous-tendent, demeurent plurielles.
Répondre aux préoccupations des Français
C’est en offrant aux Français un vrai choix sur des lignes politiques assumées, des projets de société, et des réponses à leurs préoccupations que nous les réenchanterons.
Ces élections ont montré qu’il existe un chemin pour la droite républicaine, qui, loin d’être brisée, sait mobiliser son électorat autour des seuls thèmes qu’elle croit cardinaux dans le débat public : « ordre », « autorité », « sécurité ».
Notre conviction, c’est que nous devons emprunter un autre chemin, celui de la justice sociale, de l’écologie et du respect de la promesse républicaine, qui assure la sécurité comme l’égalité des chances.
Ce chemin, c’est celui où la puissance publique est réhabilitée autour d’un service public fort, présent partout sur nos territoires. La crise sanitaire aura révélé les fragilités auxquelles l’hôpital public a été peu à peu confronté. Tirons-en les enseignements sur la nécessité d’investir massivement sur ces biens que nous avons en commun, et qui doivent sortir des lois du marché et de la recherche de rentabilité : l’éducation, la santé, la justice, la culture, la sécurité. Partout, dans les zones rurales comme dans les quartiers, pour tous, nous devons redéployer les outils de la République.
Ce chemin, c’est aussi celui des grands progrès sociétaux que nous devons encore accomplir, comme le droit de mourir dans la dignité.
Ramener les citoyens à la politique
Ce chemin, c’est celui de la cohésion sociale et nationale. Celui d’une société qui prend soin de tous, de l’autre, comme de notre environnement. Celui d’une société de l’accompagnement et de la solidarité. Celui d’une réhabilitation de la fraternité.
Ce chemin, c’est celui d’institutions fortes mais rénovées, qui donnent sa place à la collégialité, avec un Parlement renforcé et représentatif, avec des corps intermédiaires écoutés, avec des citoyens associés aux décisions qui les concernent. L’élection comme exercice périodique de la démocratie ne suffit plus à mobiliser les Français. Il nous faut inventer des formes originales de démocratie du quotidien.
Ce chemin, c’est celui d’un Etat dont les décisions sont consenties par tous, et qui sait asseoir son autorité face aux violences, aux agressions du monde, aux excès de minorités destructrices, sans basculer dans un autoritarisme qui serait le signe de son impuissance et de sa faiblesse.
Les échéances à venir seront décisives pour notre nation. Il est indispensable de retrouver la confiance des citoyens. Ce sont eux qui décident de ce que doit être leur pays. Offrons-leur la possibilité de choisir. Et n’ayons pas peur de défendre nos convictions républicaines, sociales et écologiques.
Dans un pays qui se relève d’une crise sanitaire inédite, dans une société fragmentée, dans une France divisée, la démocratie est une proie facile. Ramener les citoyens à la politique, cela suppose de l’audace et de la franchise, de l’enthousiasme et de la créativité, de l’écoute et des solutions. Il n’y a pas de fatalité à ce que la désaffection et l’indifférence l’emportent sur la mobilisation et l’engagement. Alors soyons à la hauteur.
Signataires :
Stéphanie Abadie, secrétaire générale d’En Commun ! ; Denis Brun, membre du conseil politique d’En Commun ! ; Mireille Clapot,députée de la Drôme et trésorière d’En Commun ! ; Cécile Delpirou,députée de la Somme ; Stella Dupont, députée de Maine-et-Loire, secrétaire générale d’En Commun ! ; Pascal Gentil, élu municipal et secrétaire général d’En Commun ! ; Marcel Grignard, membre du Conseil politique d’En Commun ! ; Philippe Hardouin, élu municipal et président d’En Commun ! ; Jacques Maire, député des Hauts-de-Seine, vice-président d’En Commun ! ; Sandrine Mörch, députée de Haute-Garonne ; Cécile Muschotti, députée du Var ; Bénédicte Pételle, députée des Hauts-de-Seine ; Laurence Petit-Dessaint,secrétaire générale d’En Commun ! ; Hugues Renson, député de Paris, vice-président de l’Assemblée nationale, et vice-président d’En Commun ! ; Cécile Rilhac, députée du Val-d’Oise et porte-parole d’En Commun ! ; Nathalie Sarles, députée de la Loire ; Elisabeth Toutut-Picard, députée de Haute-Garonne et membre du conseil politique d’En Commun ! ; Yolaine Vignaud, membre du conseil politique d’En Commun !