Retrouvez ci-dessous mon intervention sur la Russie lors de la réunion hebdomadaire du Groupe LREM à l'Assemblée nationale :
Il semble qu’une transition politique se prépare en Russie.
En effet l’actualité a amené plusieurs événements importants en Russie la semaine passée. Mercredi 15 janvier, Vladimir Poutine prononçait son traditionnel discours national annuel mais avancé de deux mois. Or, à la surprise générale, nous avons assisté à une dramaturgie en trois temps : d’abord annonces de substantielles modifications constitutionnelles ; puis démission de l’impopulaire premier ministre Medvedev ; enfin nomination au poste de Premier ministre de Mixhail Michoustine, fiscaliste réputé.
Parmi les réformes constitutionnelles annoncées se trouvent : la limitation du nombre des mandats présidentiels, puisqu’en effet le président russe ne pourra accomplir plus de deux mandats et non plus, comme actuellement, « deux mandats consécutifs » ; le renforcement du rôle du parlement dans la formation du gouvernement en choisissant le Premier ministre que le président sera alors « obligé de nommer », alors qu’actuellement, la Douma confirme le choix du chef de l'État. Il a été également annoncé le renforcement considérable d’une institution jusqu’ici en retrait : le Conseil d’Etat, organe de supervision inscrit dans la Constitution ; l’interdiction aux membres du gouvernement et aux juges d'avoir des permis de séjour à l'étranger ainsi que l’obligation pour tout candidat à la présidentielle d’avoir vécu les 25 dernières années en Russie. Le régime reste donc présidentiel.
Ces annonces s’inscrivent dans un contexte particulier en Russie où s’est installé un mécontentement durable. En août 2019 ont eu lieu de grandes manifestations pour des raisons économiques. Le premier ministre Medvedev a concentré sur lui toutes les attaques et a vu sa popularité chuter au-dessous de 30%. En réaction aux manifestations les opposants ont été harcelés ; de grandes purges parmi les fonctionnaires ont également été constatées en 2019. L’obsession du danger venu de l’étranger continue d’imprégner la vision russe, avec l’interdiction de nombreuses ONG jugées « agents de l’étranger » et la création d’un Internet russe pour isoler la sphère virtuelle des attaques venues d’ailleurs. Nombre d’observateurs avancent que ces réformes obéissent à la volonté de Vladimir Poutine de préserver un pouvoir central fort en Russie. Rappelons qu’il est en effet au pouvoir depuis 2000, avec une alternance de mandats de président et de mandats de premier ministre, faisant une sorte de pied de nez à l’esprit des institutions.
La réforme annoncée mi-janvier a donc relancé les conjectures sur son avenir politique après la fin de son mandat en 2024, car en l'état actuel du droit, il ne peut pas se représenter. D’où peut-être la tentation de se tailler un poste à sa mesure, à la tête du Conseil d’Etat. D’autant qu’il y a un précédent dans la région, avec Noursoultan Nazarbaïev qui, au Kazakhstan, est devenu en 2019 une sorte de père de la Nation, laissant la présidence à un fidèle obéissant. Le destin des autres acteurs de cette pièce semble scellé : Medvedev le premier ministre sortant devient vice-président du Conseil de Sécurité. Le principal opposant Alexey Navalny serait empêché de se présenter à l’élection car il a étudié à l’étranger. Une autre grille de lecture consiste à voir comment se répartissent les forces entre les « libéraux » et les « siloviki», les durs issus des services de sécurité. De toute évidence, l’arrivée de Michoustine qui est un libéral fait remonter les libéraux. Sera-t-il le vrai successeur de Poutine ? A surveiller.
Du côté du gouvernement, le président Poutine a gardé plusieurs de ses ministres de confiance mais a cependant changé des personnalités en charge des questions sociales qui correspondent à des secteurs en crise dans le pays. Il ne faut pas en effet négliger les mesures sociales annoncées (aides, politique familiale, retraites), qui seraient une bonne nouvelle pour le peuple, victime d’une forte baisse de pouvoir d’achat. Mais la prédominance des lois russes sur les lois étrangères, qui serait une première dans un pays de ce type, n’annonce rien de bon pour les droits humains.
Il est important de bien surveiller les prochaines étapes pour comprendre les conséquences exactes car, comme souvent en Russie, le diable est sans doute dans les détails. La Douma, qui est dominée par le parti Russie Unie, a validé le choix de Michoustine. Dès lundi 20 janvier, sans attendre donc les résultats du groupe de travail mis en place, le Président Poutine a fait part de ses propres recommandations, sans doute pour éclairer les débats, mais très certainement aussi pour les orienter. La précision sur la tenue ou non d’un référendum appelé officiellement « vote des citoyens du pays », donnera une indication importante.
Quant aux élections législatives elles auront lieu en 2021. Il ne semble pas y avoir pour l’instant de franche opposition des Russes à cette réforme, le millier de personnes dans une manifestation qui s’est tenue dimanche dernier à Moscou le montre.
En tant que parlementaire, je suis sensible au renforcement du pouvoir du parlement, et j’espère donc qu’une nouvelle génération de députés et la réforme du Parlement donneront plus de droits à celui-ci.