Ma question à Marine Le Pen en Commission d'Enquête sur les ingérences étrangères
Le 24 mai 2023
Audition de Marine Le Pen en Commission d'Enquête sur les Ingérences étrangères:
Mireille Clapot:
Merci Monsieur le Président,
Madame Le Pen, on vous connaît très bonne oratrice. Je sais aussi que vous êtes une bonne avocate et donc vous plaidez votre cause avec beaucoup de talent.
Si je puis me permettre, je pense qu’il faut être rigoureux au-delà des commentaires. Il faut rappeler les faits et je vais ensuite rappeler une certaine chronologie. Il faut aussi, puisque c’est la dernière audition de cette commission d’enquête, rappeler ce que c’est que l’ingérence.
L’ingérence, c’est assez subtil, ça nous a été bien expliqué par les experts en tout début des travaux de cette commission d’enquête. Il n’y a évidemment pas de contrat au sens où on dit : vous avez tant de million et en échange on vous demande tel service. C’est beaucoup plus subtil, c’est dans le renvoi d’ascenseur supposé des services rendus. Et c’est là-dessus que je vous interrogerai à la fin.
Je vais faire un petit rappel de chronologie. On parle beaucoup de la période 2014-2015. Aannexion de la Crimée, Accord de Minsk qui, effectivement, flottait un petit peu de la faute des différents partis. J’explique à l’assistance et au public qui nous regarde ; il y a eu une progression dans le fait que le Président Poutine est devenu un autocrate = et a commencé à violer les droits humains avant de mener l’invasion de la Crimée.
Quelques dates :
La révision constitutionnelle : c’était en juillet 2020, approuvée par référendum et qui donne tous les pouvoirs jusqu'en 2036 à Vladimir Poutine.
2020, c’est aussi l’empoisonnement de Navalni qui était rentré en Russie en janvier 2021.
Rappelez-vous aussi de l’affaire Delpal ; un citoyen français qui a été, à son corps défendent, inculpé, mis en prison puis assigné à résidence et ensuite condamné. C’était une justice aux ordres instrumentalisé qui a utilisé ses différends civils pour faire pression.
Septembre 2021 : les élections. La Russie a toujours une façon un peu particulière de mener des élections. Elle cherche des experts pour se légitimer. La légitimation a donc fait grandement appel à des personnalités d’extrême droite, parmi lesquelles un certain nombre de députés européens de votre parti. J’en cite quelques un : Thierry Mariani, Jean-Lin Lacapelle, Nicolas Bay, Hervé Jubin, Frédéric Bocaletti, Stéphane Ravier... Ces observateurs n’étaient pas envoyés par l’OSCE mais étaient accrédités par la Russie qui s’auto légitime. Thierry Mariani, que nous avons audité, était par exemple un observateur. Il y a eu aussi deux députés français rentrés illégalement en Crimée mais je vous accorde qu’ils n’étaient pas du Rassemblement National.
Ensuite, on saute quelques mois. L’invasion Russe en Ukraine, et, à ce moment-là, l’UE qui a été très courageuse en faisant voter un certain nombre de prises de position, de résolutions et c’est là qu’on voit que les députés du RN sont loin d’être toujours unanimes et dans la position française. De temps en temps, ils condamnent. Ils ont quand même condamné l'agression. Ils ont quand même voté pour la collecte de preuve sur les crimes de guerres. Mais ils se sont abstenus sur un certain nombre de résolutions. Abstention sur le soutien financier, abstention pour condamner un certain nombre de pratiques... Je renvoie ceux qui nous écoutent à la liste, je ne veux pas être trop fastidieuse. Et puis je renvoie aussi aux explications de vote de Monsieur Mariani dont on sait les convictions.
Donc en fait, si je rappelle cette chronologie, c'est parce qu'il y a, je pense à partir de 2020, la Russie qui est en train de basculer et les positions des politiques français qui prennent du recul vis-à-vis de la Russie. On sent le contraire de la part de votre parti, par cette légitimation des élections, par des prises de position, par toujours une timidité même après l'invasion sur la condamnation. Votre parti, on peut se demander s'il n'a pas été en situation de soit s'autocensurer, soit d'effectuer une sorte de renvoi d'ascenseur par rapport à des facilités réelles, sonnantes et trébuchantes, ou peut-être à d'autres qu'on ne connaît pas. En tout cas, je voulais qu'on rappelle bien cette chronologie qui fait qu'on puisse avoir quelques soupçons sur le fait que votre parti se soit senti redevable vis-à-vis de la Russie et apporter son soutien à Poutine et à ce régime qui, on le sait maintenant, est un régime qui a envahi son voisin et qui condamne toute voix discordante au sein de l'état.
Marine Le Pen:
Merci de votre absence de question.
Il s'agit là d'un procès en sorcellerie en quelque sorte. Il n’y a aucun élément. Ce qui vous déplaît, c'est que nous ayons des positions qui peuvent être différentes des vôtres et peut-être différentes de celle de l'Union européenne (UE). Là encore, ça s'appelle la démocratie, nous sommes élus.
Nous n'avons encore une fois jamais caché nos positions divergentes de l'Union européenne sur les sanctions. Nous partageons ce désaccord avec LR et nous sommes tous allés devant les électeurs qui nous ont élus. Ils ont pris connaissance de ces déclarations disant qu’on est opposés aux sanctions, on considère que c'est inutile, on demande la levée. Puis il y a eu des élections et on a été élu. Sauf à ce que vous considériez que les Français sont stupides peut-être ? Ça n'est absolument pas mon cas, vous l'imaginez bien. Je pense que nous sommes un peuple majeur. Donc, j'ai l'impression de subir une sorte de procès de désaccords politiques. Oui, on a des désaccords politiques, mais moi je considère que vous avez parfaitement le droit de penser différemment.
Je note juste qu'il y a tout de même une sacrée hypocrisie à venir me reprocher mes positions géopolitiques, alors que l'ensemble de la classe politique avait les mêmes. C'est tout ce que je note. Il y a une sacrée hypocrisie sur la levée des sanctions que nous avons toujours appelé de nos vœux et le moins qu'on puisse dire, c'est que nous n'étions pas les seuls. Monsieur Fekl, encore une fois, qui était secrétaire d'État, réclamait la même chose. Les LR réclamaient la même chose. Il y a une sacrée hypocrisie à me reprocher que de considérer que la Russie après 2015 pouvait être un soutien important dans la lutte contre le fondamentalisme islamiste, alors que le président Hollande ne disait pas l'inverse. Alors que Jean-Luc Mélenchon ne disait pas l'inverse. Alors que toute une série encore une fois de responsables de haut niveau de notre pays disaient exactement la même chose.
Il y a une sacrée hypocrisie à me reprocher la position que j'ai eu le courage de prendre sur la Crimée, alors qu'il ne serait venu à l'esprit de personne, de reprocher la même position lorsqu'elle sort de la bouche de l'ancien président de la République Nicolas Sarkozy. Alors que ça ne viendrait à personne de reprocher à Monsieur Hollande de faire la promotion de Monsieur Schröder bien après l'annexion de la Russie alors que celui-ci est déjà salarié d'une entreprise russe.
Voyez cela, c'est un peu l'indignation à géométrie variable. C'est un peu l'hypocrisie que je trouve assez désagréable. Vous me dites qu’on peut avoir des soupçons. Non, Madame, vous ne pouvez pas avoir de soupçons. Voilà. Parce qu’un soupçon, quand on est dans une commission d'enquête, il ne peut pas être dicté par le désaccord politique. Ça veut dire que ce qui est important, c'est si vous avez le moindre élément qui laisse penser que nos positions ont pu être influencées de quelque manière que ce soit par l'obtention d'un prêt auprès d'une banque tchéco russe. La réponse est non. Et je vous le confirme ici, c'est non.
Laurent Esquenet-Goxes, Président:
Merci Madame Le Pen. Madame Clapot voulez-vous répondre ?
Mireille Clapot : Visiblement je n'ai pas formulé ma question de façon très claire. Donc je vais le refaire. Merci de vos réponses qui sont à nouveau empruntées à l'époque Sarkozy Hollande et cetera. Je reviens sur un point : la légitimation des élections en Russie que l'OSCE et l’APCE ont refusé d'aller cautionner, puisque c'étaient des élections très certainement tronquées. Donc je ne refais pas la liste des députés de votre parti qui sont allés les voir.
Pourquoi, Madame le Pen, les députés RN sont-ils allés cautionner, légitimer ces élections qui n'ont pas été régulières ?
Marine Le Pen:
Madame, parce que les députés du Rassemblement national sont libres de faire ce qu'ils veulent. D'accord ? Ils sont libres. Il n'y a pas de mandat impératif. Ils n’ont personne d'autres au-dessus d'eux que le peuple français. Et c'est à eux qu'ils doivent, à eux qu’ils doivent des réponses. Donc s'ils souhaitaient aller vérifier la manière dont s'est tenue les élections, ils le font. Ont-ils fait par ailleurs des déclarations dans l'ensemble des médias en disant que ces élections s'étaient déroulées sans problème ? Je n'en ai pas souvenir. Vous êtes libres de penser que ces élections ont été truquées. Nous sommes chacun les uns et les autres libre. Et c'est un peu inquiétant, objectivement, de voir cette sorte de procès d'opinion, ce procès d'opinion qui est fait par cette commission d'enquête dont il ne me semble pas que ce soit l'objet et dont il ne me semble pas que ce soit l'objectif.